L'étude académique des jeux vidéo est un domaine, quoiqu'en pleine expansion, encore jeune. Les chercheurs et théoriciens qui s'y attaquent actuellement sont fort occupés à situer précisément leur champ d'étude. Ainsi, à travers l'opposition ludologie / narratologie [1] , par exemple, on cherche à déterminer dans quelle proportion les théories venant d'autres médias - la littérature et le cinéma en particulier - peuvent s'appliquer à ce nouvel objet. Il m'apparaît donc pertinent, dans ce contexte, de faire une analyse comparative de deux œuvres situées de part et d'autre de cet abîme théorique afin d'entrer en dialogue avec les réflexions présentement mises de l'avant et qui visent à faire le pont entre les médias traditionnels et le médium vidéoludique. Je ferai donc une comparaison entre le film The Lord of the Rings : The Fellowship of the Ring, l'adaptation du roman de J.R.R. Tolkien réalisée par Peter Jackson, et le jeu vidéo The Elder Scrolls III : Morrowind, développé par Bethesda Softworks et paru sur PC et X-Box en 2002. À travers l'examen des théories de plusieurs auteurs et de trois caractéristiques fondamentales de ces deux œuvres, soit leur rapport à l'espace, leur propriété encyclopédique, et la façon dont y est traitée la narration, nous pourrons constater comment les jeux vidéo, tout en partageant plusieurs éléments avec le cinéma, diffèrent néanmoins de celui-ci (et, bien que ce ne soit ici abordé qu'en surface, de la littérature).

Les trilogies The Lord of the Rings et The Elder Scrolls ont beaucoup en commun. Au niveau du théâtre de l'action (le « setting »), toutes deux prennent place dans des univers de fantaisie très détaillés à tous les niveaux (politique, historique, géographique, mythologique, économique, etc.…) où la magie et différentes races de créatures coexistent dans un âge à saveur médiévale. Ceci en fait deux œuvres à caractère encyclopédique, bien que leurs manières d'aborder cette propriété soient différentes; j'en traiterai ultérieurement. Sur le plan narratif, bien que les deux séries diffèrent parce que les trois Elder Scrolls mettent en scène des personnages, régions géographiques, et même époques différentes du même monde dans chacun des titres qui composent sa série, tandis que la trilogie The Lord of the Rings est axée autour des mêmes personnages et d'une seule action globale. Elles sont néanmoins similaires parce qu'elles présentent toutes deux des quêtes. À ce sujet, la Wikipedia Anglaise est très explicite:

A familiar modern literary quest is seen in the tale of Frodo Baggins's quest to destroy the One Ring in The Lord of the Rings. […] the quest device is still used in many derivative role-playing games and computer role-playing games and works of mass market fantasy fiction. [2]

Morrowind étant un jeu de rôle (Role-Playing Game, ou RPG), il n'y a pas lieu de douter que ces deux œuvres présentent effectivement des quêtes. Doit-on en conclure que, puisque Morrowind présente le même type de contenu que The Lord of the Rings, et qu'on réfère à celui-ci comme étant une quête au sens narratologique du terme, que les jeux vidéo sont eux aussi narratifs ?

Espen Aarseth, dans son article « Quest Games as Post-Narrative Discourse » [3], argumente que si l'on peut considérer qu'il y a un lien entre les jeux vidéo et le narratif, ce n'est pas tant que les jeux soient narratifs en eux-même, mais plutôt qu'ils présentent des quêtes, une structure avec laquelle nous sommes familiers parce qu'on nous l'a présentée dans un grand nombre de récits à travers l'Histoire, de L'Iliade d'Homère à la quête du Graal des légendes Arthuriennes. Ragnhild Tronstad, dans son article « Semiotic and nonsemiotic MUD performance », élabore sur ce lien émis par Aarseth et nous invite à ne pas considérer la quête comme étant un type de narration, mais plutôt l'inverse : il faut envisager la narration comme étant un moyen de représenter la quête. De ce point de vue, on peut obtenir des quêtes qui ne sont pas narratives parmi lesquelles Tronstad place les jeux vidéo. De toute évidence, c'est dans la temporalité qu'elle voit un problème à considérer les jeux vidéo comme narratifs car, dans son article, elle parle plutôt de « théâtralité », insistant sur la performance et donc, le maintenant dans lequel s'inscrivent les actions entreprises par un joueur. Elle fournit une explication quant à la confusion qu'elle perçoit entre quête et narration :

« The reason quests can easily be confused with "stories" is that we are normally analysing the quest in retrospective, after we've already solved it. To ignore the performative aspect of quests this way is fundamentally to misjudge questing as a practice. » [4]

Tronstad, à mon avis, a raison de soulever cet aspect d'« indicatif présent » des jeux vidéo, car une grande part de leur contenu échappe aux règles de la narration. Si l'on regarde le cas de Morrowind, par exemple, l'espace joue un rôle prépondérant dans l'expérience de jeu. L'île de Vvardenfell, le théâtre de l'action, est très grande, et le joueur n'est nulle part bloqué par des murs invisibles ou infranchissables tels qu'on les retrouve dans la vaste majorité des autres jeux. À travers la « quête principale » du jeu, qui est, en somme, le scénario « de base » qu'un joueur peut suivre ou dont il peut dévier à tout moment pour aller explorer librement l'île et y rencontrer des créatures, le joueur prendra contact avec les différentes régions géographiques de l'île et sera amené à en faire le tour, comme le démontre la colonne « géographie » du tableau I ainsi que cette carte (les cercles rouges représentent des endroits que le joueur doit visiter à un moment ou un autre de la « Main quest »).

Certes, on peut résumer la narration de Morrowind en disant que le joueur va prendre connaissance des prophéties des Ashlanders et apprendre qu'il est la réincarnation de Nerevar, puis qu'il devra convaincre les tribus d'Ashlanders et les trois Grandes Maisons de Vvardenfell qu'il est leur champion élu par les écrits prophétiques, avant d'aller détruire le démon Dagoth Ur et d'ainsi sauver les Dunmer. Mais une telle description ne rend aucunement justice à Morrowind, et n'est même, à la limite, pas utile pour comprendre ce qu'est réellement le jeu. Je crois qu'une simple citation provenant du walk-through le plus complet que j'ai pu trouver sur le web donnera une bien meilleure idée de ce autour de quoi gravite le jeu :

Urshilaku, however, is a good deal farther away, on the Northern coast of the Island (handy to check your map for many of these locations, it should also be marked on your in-game map as well). Depending on your preferences, you could just walk basically North for while, checking your in-game world map as you go. Its not too far depending on how many dungeons and towns you stop at along the way (of course, this is half the fun, or perhaps more). A quicker way is to take a Silt Strider from Balmora to Ald'ruhn, and then on to either Khuul or Maar Gan. Urshilaku is a little ways East from Khuul and North from Maar Gan (Khuul might be a bit closer and it is easier to follow the coast till you reach the camp). [5]

Dans cet extrait, les références à l'espace et à sa navigation sont nombreuses : l'auteur donne plusieurs moyens de se rendre au camp Urshilaku (marcher vers le Nord, ou prendre un " taxi ", ou Silt Strider, vers Khuul ou Maar Gan), et plusieurs références pour que le joueur puisse s'orienter (suivre la côte à partir de Khuul, et consulter les cartes). On voit donc que la navigation et l'exploration de l'espace occupent une place importante dans l'expérience de jeu que l'on peut retirer d'une partie de Morrowind. Cette partie du contenu est souvent évacuée de la narration que l'on fait de nos parties car elle est - mais uniquement lorsque regardée avec les lunettes de la narratologie - un poids mort n'apportant rien à la narration. Il y a donc de la pertinence dans la réticence de Tronstad à considérer les jeux vidéo comme narratifs.

Pour rester dans l'optique de Tronstad, le walk-through de Morrowind me paraît plus pertinent comme document sur le contenu du jeu qu'un résumé de sa narration comme j'ai effectué plus haut car il reste dans l'indicatif présent et arrive à saisir, ou du moins représenter, la performativité de l'expérience du jeu. Enfin, l'auteur met également le doigt sur un point crucial pour bien comprendre le jeu : le plaisir de dévier du chemin tracé pour arrêter dans un village ou un donjon représente une partie importante de l'expérience que l'on peut vivre en jouant à Morrowind. La route que le joueur prend pour se rendre du point A au point B n'est donc plus simplement un lien reliant deux lieux : la route devient un lieu elle-même, le théâtre de possibles actions et d'aventures.

Henry Jenkins, dans son article « Game Design as Narrative Architecture », offre d'examiner les jeux non pas comme des histoires, mais comme des espaces riches en possibilités narratives [6]. Parmi les quatre types de narration pouvant résulter de l'espace de jeu qu'il propose, les « emergent narratives » et les « enacted narratives » sont prédominantes dans l'utilisation qui est faite de l'espace dans Morrowind. Jenkins les définit comme suit:

in the case of enacted narratives, the story itself may be structured around the character's movement through space and the features of the environment may retard or accelerate that plot trajectory[…] and in the case of emergent narratives, game spaces are designed to be rich with narrative potential, enabling the story-constructing activity of players. [7]

Ces deux types de narrativité sont bel et bien présents dans Morrowind, comme le mentionnait l'auteur du walk-through précédemment cité en affirmant qu'au moins la moitié du plaisir à retirer du jeu se trouve dans le fait de dévier du chemin, de s'arrêter pour explorer quelque chose que l'on rencontre : il s'agit donc de se laisser prendre par l'espace; en un mot, d'errer parmi la multitude d'informations sur le monde qui nous est présentée.

L'errance, une composante fondamentale de l'expérience de jeu dans Morrowind, est également un thème très présent dans The Lord of the Rings. Tolkien lui-même y faisait allusion durant la première rencontre entre Frodo et Aragorn. Dans le livre, Frodo reçoit à cet instant une lettre de Gandalf qui mentionne, au sujet d'Aragorn : « Not all those who wander are lost » [8]. Quoique cette citation ait été coupée dans le film, le personnage d'Aragorn y reste toujours dépeint de la même façon : c'est un rôdeur, un homme nomade qui se déplace dans les forêts; il est perpétuellement en errance, mais n'est pas perdu, car il a compris que la route et le voyage sont des lieux à part entière et a décidé d'en faire sa demeure. L'adaptation cinématographique de Jackson a tout de même préservé l'errance dans une réplique que donne Frodo à Sam lorsqu'ils quittent le Comté : « Remember what Bilbo used to say. It's a dangerous thing, Frodo, going out your door. You step onto the road, and if you don't keep your feet, there's no knowing where you'll be swept off to » [9]. Dans cette oeuvre, comme dans Morrowind, on présente le voyage et, par extension, la route, comme un aimant qui attire d'autres choses que celle pour laquelle on a décidé de partir.

De paire avec l'errance, on sent également l'espace tout au long du film. Les plans d'ensemble sont nombreux : le Comté, Rivendell, Lothlorien, et même les mines de la Moria nous sont présentées accompagnés d'une musique grandiose. Plusieurs passages du film ne servent à rien d'autre que présenter des espaces qui ne sont pourtant pas essentiels d'un point de vue narratif. Ainsi en est-il du vol du papillon, qui tourne autour de la tour d'Orthanc pour rejoindre Gandalf, prisonnier à son sommet, et que la caméra suit de près; idem pour le passage de la Communauté à travers les cols du Caradhras, une séquence dont l'action se résume en quelques mots (les compagnons tentent de passer par les montagnes, mais Saroumane déclenche des avalanches; après délibération, ils décident de plutôt passer par les mines de la Moria), mais que Jackson utilise néanmoins pour nous fournir plusieurs longs plans d'ensemble pour nous montrer les montagnes. Enfin, la quête pour détruire l'anneau elle-même n'est qu'un long voyage, une inexorable progression dans l'espace jusqu'à l'atteinte de l'objectif. Il y a donc réellement une volonté de faire découvrir le monde imaginé par Tolkien au spectateur, et ce, spécialement dans le premier volet de la trilogie, The Fellowship of the Ring.

Ce second tableau présente les éléments constitutifs du monde diégétique qui sont présentés au spectateur à travers les segments principaux du film. En comparant avec l'annexe I, qui fait la même chose pour Morrowind, on constate d'emblée une différence dans les colonnes des tableaux. En effet, j'ai remplacé la colonne « Politique » de Morrowind par une colonne « Action » pour The Fellowship of the Ring. Ceci est dû à une différence ontologique fondamentale entre les médiums du cinéma et du jeu vidéo. Comme le soulignait Tronstad précédemment, le jeu vidéo se situe dans un maintenant, un indicatif-présent, dans lequel le joueur doit performer des actions. Bien que le cinéma se déroule aussi au présent, une distinction fondamentale les sépare : le jeu est, comme le roman, en temporalité libre, tandis que le film se déroule en temporalité fixe. Ainsi, l'action qui se déroule dans un film est invariable, tandis que dans un jeu vidéo, le joueur peut faire plusieurs fois le tour de l'espace avant de finalement faire la « bonne » action, celle qui fera avancer le scénario. Il devient donc impossible de répertorier l'action.

En analysant le tableau de progression de The Fellowship of the Ring, on se rend compte que ce sont des régions géographiques et de l'action qui sont les plus souvent présentées au spectateur, deux choses qui reposent sur la particularité du médium cinématographique qu'est la capture de l'image dans le temps. Le cinéma excelle à présenter des décors, des personnages et des actions, et The Fellowship of the Ring le prouve en nous présentant des décors sublimes de manière très extensive; cependant, quand vient le temps de se tourner vers des objets intangibles, on doit recourir à d'autres processus pour communiquer l'information. La parole narrative en est un, et c'est par elle que passe la majorité des informations historiques présentées dans le film; mais comme le cinéma est régi par une temporalité fixe, on ne peut passer trop de temps sur les détails qui ne sont pas nécessaires à l'intrigue, sous peine d'alourdir le récit.

Dans The Fellowship of the Ring, donc, la plupart des informations historiques ne sont que succinctement présentées : ainsi Aragorn fait-il allusion à ses ancêtres alors qu'il passe devant les statues des Argonaths dans la rivière Anduin, disant « Long have I desired to look upon the likenesses of Isildur and Anarion, my sires of old ». C'est ici tout ce qu'un médium en temporalité fixe peut nous donner pour ne pas retarder l'action. Si l'on se tourne vers la littérature - un médium en temporalité libre - et que l'on pose un instant The Lord of the Rings pour consulter The Silmarillion, le livre dans lequel Tolkien détaille l'histoire de son monde jusqu'à la guerre de l'anneau, on peut voir un schéma des ancêtres d'Aragorn, avoir accès à leur histoire, et découvrir, par les lignées qui y sont présentées, qu'Elrond, le roi des elfes de Rivendell, se trouve à être l'oncle d'Aragorn - une information qui est carrément absente du film. Si on se tourne vers le jeu vidéo, un médium encyclopédique en temporalité libre, on peut avoir accès à toutes ces informations sans sortir du cadre de Morrowind.

Janet Murray, dans Hamlet on the Holodeck, introduit ce qu'elle perçoit comme étant les quatre grandes propriétés des environnements numériques. Outre le fait qu'ils soient procéduraux et participatoires, elle les identifie comme étant spatiaux et encyclopédiques. Elle précise le dernier terme comme suit : « The capacity to represent enormous quantities of information in digital form translates into an artist's potential to offer a wealth of detail, to represent the world with both scope and particularity » [10]. C'est exactement ce qui se passe dans Morrowind : le joueur peut lire une myriade de livres trouvés au cours de ses aventures, qui vont aller du traité de philosophie au récit historique en passant par la nouvelle ou la biographie de personnages importants dans l'univers diégétique. De plus, quand le joueur initie une conversation avec un personnage, il dispose de plusieurs sujets sur lesquels il peut échanger avec la personne, qui lui livrera alors (ou non) de l'information, dépendamment de sa personnalité et de ses connaissances sur le sujet particulier.

On pourrait donc mettre de l'avant la théorie que la fonction des personnages peut changer selon le contexte d'action entreprise par le joueur. Au départ servant d'entité potentiellement narrative, quand le joueur initie une conversation avec un personnage et commence à lui demander des détails sur plusieurs sujets, le personnage en question devient un index, une série d'hyperliens donnant accès au joueur à la base de données sous-jacente au jeu. Morrowind nous permet de le constater facilement car, si le joueur peut poser des questions d'ordre socio-politique intradiégétique à des personnages (ce qui pourrait donner l'impression au joueur de communiquer avec un être essentiellement narratif et ainsi potentiellement créer de la confusion quant à sa nature d'agent encyclopédique), il peut également demander des informations sur des compétences ou des unités de mesure employées par le système de jeu, ce qui a pour effet de faire parler le personnage en question comme s'il était un manuel d'instructions (« Strength is an attribute that affects your damage dealt when swinging Strength-based weapons, your maximum carrying capacity, and all your Strength-based skills »). Il n'y a, ici, aucun moyen de confondre une telle réplique avec un propos narratif : il s'agit d'une information tirée d'une base de données.

Doit-on en conclure que les jeux vidéo, parce qu'ils sont construits sur le mode d'une base de données plutôt que sur le mode d'une narration, ne peuvent trouver de terrain d'entente avec le cinéma ou la littérature? Ces deux constructions, argumente Lev Manovich dans « Database as a Genre of New Media », sont en fait très similaires : « Just like a game player, a reader of a novel gradually reconstructs an algorithm (here I use it metaphorically) which the writer used to create the settings, the characters, and the events » [11]. Tout auteur se constitue donc une base de données avant de faire des choix et d'en présenter quelques facettes organisées en un tout cohérent, le plus souvent sous forme de narration. The Fellowship of the Ring est, pour illustrer cela, un excellent choix. Lorsque Jackson a écrit son script, il a puisé dans la trilogie conçue par Tolkien, qu'il a utilisée comme une base de données; de la même façon, Tolkien a, pour écrire l'ouvrage en question, consulté ses notes - aujourd'hui disponibles pour le grand public via The Silmarillion - et fait des choix pour présenter une narration. La différence entre le médium vidéoludique et le cinéma (ou, de façon plus large, entre les environnements numériques et les médias traditionnels) n'est donc pas une différence de constitution intrinsèque, mais simplement d'accès : dans un programme informatique, incluant les jeux vidéo, l'utilisateur peut avoir accès à la base de données, si cela est permis par l'auteur. Il n'y a donc pas lieu de séparer de façon absolue le cinéma et les jeux vidéo uniquement sur la base qu'ils reposent sur des principes de construction différents.

Il apparaît clair, après avoir fait une comparaison entre Morrowind et The Fellowship of the Ring, que sur les trois aspects que j'ai identifiés comme étant les plus importants de ces œuvres, les différences qui séparent le médium du jeu vidéo de celui du cinéma (et de la littérature) ne sont pas du tout insurmontables, et ne devraient pas motiver un rejet total des théories filmiques, littéraires et narratologiques qui ont été montées. Si, comme le rôle que joue l'espace dans Morrowind nous l'a démontré, Tronstad et Aarseth ont raison d'affirmer que l'on ne peut rendre compte de la totalité d'un jeu avec seulement les théories narratologiques existantes, il n'en demeure pas moins que les jeux vidéo, sans être narratifs en essence, tendent trop vers la narration pour l'éviter, comme Jenkins le reconnaît en mettant de l'avant sa théorie des espaces narratifs et des différents types de narrations engendrées par le jeu vidéo. Quant à la nature encyclopédique du jeu vidéo, que l'on pourrait opposer à la nature narrative du cinéma, Manovich lie ces deux types d'organisation du contenu qu'un auteur peut utiliser en affirmant que la narration est simplement une épuration de la base de données: « The 'user' of a narrative is traversing a database, following links between its records as established by the database's creator » [12]. Sur ce point encore, on découvre que le fossé qui sépare le médium vidéoludique du cinématographique est en voie d'être franchi par ces théories qui, sans être des ponts préfabriqués que l'on peut simplement transplanter, fournissent des matériaux cruciaux à l'élaboration de théories hybrides


Dominic Arsenault
Montréal, Juillet 2005

1 - Pour plus d'informations à ce sujet, voir Gonzalo Frasca, « Ludologists love stories, too : notes from a debate that never took place », disponible en ligne sur Ludology.Org

2 - Entrée pour « Quest » dans la Wikipedia Anglaise, disponible en ligne sur Wikipedia

3 - Espen Aarseth, « Quest Games as Post-Narrative Discourse », in Marie-Laure Ryan (ed.), Narrative Across Media: The Languages of Storytelling, Cambridge, University of Nebraska Press, 2004.

4 - Ragnhild Tronstad, « Semiotic and nonsemiotic MUD performance », disponible en ligne sur Cosign

5 - Extrait du walk-through publié sur The Unofficial Elder Scrolls Pages, en ligne sur The UESP.

6 - Henry Jenkins, « Game Design as Narrative Architecture », in Pat Harrington et Noah Frup-Waldrop (Eds.), First Person, Cambridge, MIT Press, 2002. "

7 - Ibid.

8 - J.R.R. Tolkien, The Lord of the Rings, Part One: The Fellowship of the Ring, New York, Harper Collins Publishers, 1993, p. 230.

9 - Peter Jackson, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring, New Line Cinema, 2001

10 - Janet Murray, Hamlet on the Holodeck : The Future of Narrative in Cyberspace, Cambridge, MIT Press, 1997, p.84

11 - Lev Manovich, « Database as a Genre of New Media », in AI and Society: The Journal of Human-Centred and Machine Intelligence, 1998; en ligne sur AI and Society


BIBLIOGRAPHIE

AARSETH, Espen, « Quest Games as Post-Narrative Discourse », in Marie-Laure Ryan (ed.), Narrative Across Media: The Languages of Storytelling, Lincoln, University of Nebraska Press, 2004

FRASCA, Gonzalo, « Ludologists love stories, too : notes from a debate that never took place », Ludology (Videogame Theory), disponible en ligne au www.ludology.org/articles/Frasca_LevelUp2003.pdf

JACKSON, Peter, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring, New Line Cinema, 2001

JENKINS, Henry, « Game Design as Narrative Architecture », in Pat Harrington et Noah Frup-Waldrop (Eds.), First Person, Cambridge, MIT Press, 2002,

MANOVICH, Lev, « Database as a Genre of New Media », in AI and Society: The Journal of Human-Centred and Machine Intelligence, 1998; disponible en ligne au www.time.arts.ucla.edu/AI_Society/manovich.html

MURRAY, Janet, Hamlet on the Holodeck : The Future of Narrative in Cyberspace, Cambridge, MIT Press, 1997

TOLKIEN, J.R.R., The Lord of the Rings, Part One: The Fellowship of the Ring, New York, Harper Collins Publishers, 1993

TOLKIEN, J.R.R. et Christopher Tolkien (ed.), The Silmarillion, New York, Harper Collins Publishers, 1999

TRONSTAD, Ragnhild, « Semiotic and nonsemiotic MUD performance », disponible en ligne au www.cosignconference.org/cosign2001/papers/Tronstad.pdf (9 avril 2005)