et l’art de se perdre dans le vide.

Ce documentaire sur l’artiste Canadienne Sylvia Safdie se veut être une exploration du génie de l’artiste et de la spiritualité de son œuvre - du moins, c’est ce que l’on tente de faire. Mais le produit final n’est que pur trou noir de la part de la réalisatrice Doina Harap. Heureusement, le sujet abordé, Sylvia Safdie, fournit une base un peu plus ferme que Harap et sa réalisation (qui tombe à l’eau et se noie). En fait, le tout ne fait que couler, et couler et couler… comme s’il n’y avait plus de fond.

Tout d’abord, Sylvia Safdie, Libanaise, immigrante à Montreal lors de son jeune âge, est une femme hors-normes qui rayonne de sa personnalité et de son art - pour lequel elle semble vouer un amour inconditionnel et éternel. Merci à Safdie et non à Harap. Son art, c’est les roches. Ayant trouvé des roches en formes de pieds et de visages sur des plages, elle entreprit une réconciliation avec la nature. Cette réconciliation devint vite une espèce de religion, l’amenant à embrasser ses propres racines ethniques, physiques et psychologiques. Une femme complète qui se complète à merveille avec un art qui lui sert d’outil, de famille, d’ami et de compagnon spirituel. Dommage que le cas Safdie soit beaucoup trop lourd pour Doina Harap et qu’elle ne puisse que s’y perdre - le résultat est informe (mais produit par la Doina Harap Productions - modeste !).

Le film est très mal construit. Tout d’abord, le choix des images de Harap ne convient pas toujours au portrait de Safdie. Le début du film (un bon 5 à 8 minutes sur 48!) ne présente qu’une Safdie procédant à une mauvaise prestation, pourtant, l’artiste n’est rien de cela. Le montage de Harap et la manière vraiment non contrôlée dont cette introduction (même pas amusante) est filmée entame très mal le sujet. Il faut finalement que Safdie explique qu’il ne faut pas nous attendre à ce genre de mauvaise performance de sa part - que l’artiste est plutôt une personne qui communique avec elle-même avant de se donner en spectacle (si elle le fait vraiment).

Nous avons droit à des séquences dans lesquelles les cadrages, les mouvements et leur agencement ne portent par la moindre trace de contrôle - la démarche stylistique est ici à mille lieux d’entrer en communion avec le sujet (ce qui aurait été souhaitable, compte tenu de l’artiste et de son œuvre, une quête spirituelle intense). La forme du film ne fait qu’empoisonner ce qui aurait pu être beau et révélateur. Nous ne pouvons pas vraiment apprécier davantage l’oeuvre de Safdie, car le film gâche tout. Et, en bout de ligne, c’est l’oeuvre de Safdie qui donne au film de la substance formelle. Quelques plans sont tout juste fabuleux. Pourquoi? Parce que l’on filme les installations de Safdie. Ces installations étant fabuleuses.

Ensuite, nous avons droit à ces interviews complètement dénués de toute signature ou touche créatrice de la réalisatrice. L’éclairage est mauvais, toujours le key light du même côté, sans observation artistique sur les décors arrières. Dans certains cas, la manière dont est placée, éclairée et filmée une personne déconcentre, tellement le tout n’est pas visuellement acceptable. De plus, pratiquement aucun changement de cadrage ne ponctue ces séquences, même lorsque Safdie s’ouvre à la caméra pour lancer des réflexions personnelles.

La trame sonore n’aide en rien la cause du film. Le choix de musiques (très mince!) ne colle pas du tout aux images et aux thèmes. Le mixage est mauvais et ce n’est que du rapport de son à matérialité (ex. : on voit Safdie gribouiller des mots et dessins sur une feuille, on met l’emphase sur le son de l’acte même - à ceci, on mixe un son de vagues avec une trame sonore composée de quelques rares sons sans corps et on effectue un fondu enchaîné sur la mer et ses vagues). Bref, pourquoi même mettre du son (à part pour les entrevues) si ce n’est que pour exprimer un manque d’originalité et donner au film une facette encore plus froide ?

Le film d’Harap est raté sur toute la ligne. Rien ne semble prouver que la réalisatrice possédait les qualités professionnelles pour s’attaquer à un sujet comme celui-ci. Seul réconfort, Sylvia Safdie, qui, de sa personnalité et de quelques bouts de phrases bien sélectionnés, réussit à intégrer substance au film. Pour la Doina Harap Productions : échec.