Lorsque l'on jette un bref regard au cinéma actuel, force nous est de constater l'incroyable prédominance du cinéma hollywoodien. Bien que cet empire soit incontesté aujourd'hui, il n'en fut pas toujours ainsi. Nous nous intéresserons ici au contexte historique de l'institutionnalisation du cinéma hollywoodien, étape primordiale dans le façonnement de cette machine industrielle mondiale.

Tout d'abord, il est important de mentionner que le sujet étudié est très problématique. En effet, énormément de documents se contredisent, et bien d'autres écrits ne sont que pures spéculations, n'ayant aucune base documentaire. Pour les besoins de la cause, nous débuterons avec une très brève genèse de l'invention qu'est le cinématographe.

La multitude de petites firmes en activité à cette époque rend la recherche difficile pour l'historien confronté à un véritable flot de petites entreprises, qui se créent et disparaissent. Cependant, la période a dû être idéale au niveau de la performance, car jamais il ne fut aussi facile de "percer" dans le milieu du cinéma: le marché n'était pas sous la coupe de quelques firmes, ni les syndicats ni le gouvernement n'imposaient de contraintes et l'on se passait de stars ou de studios coûteux. [1]

LES PREMIERS BALBUTIEMENTS DU CINÉMA AUX ÉTATS-UNIS

Aux États-Unis, Edison tente d'inventer un engin pouvant projeter des images. Il atteindra son but en 1891 avec le kinétoscope:

Rather than project motion pictures to group audiences, Edison built and patented a single-viewer, peep-show machine the Kinétoscope, in 1891. It was later equipped to be coin-operated and permitted the showing of films of about a minute's lenght. A battery powered motor carried a continuous loop of film, 25 to 50 feet long, past a viewing slot on the top of the boylike apparatus. Electric light illuminated the images and a revolving shutter prevent the passing images from blurring. [2]

Quatre années plus tard, les Frères Lumières s'adonnent à la première démonstration publique de leur cinématographe, engin qui donne des résultats plus impressionnants que le kinétoscope d'Edison. C'est d'ailleurs pour cette raison que ce dernier s'unit à Thomas Armat et créent le Edison Vitagraph. Voyant le potentiel commercial de l'engin, Edison voulait trouver un système qui lui permettrait d'exploiter et d'améliorer son invention de 1891. La première représentation publique de cet engin aura lieu le 23 avril 1896 à New York au Koster and Bial's Music Hall [3].

Au tout début, beaucoup de petites compagnies indépendantes s'adonnaient à l'exploitation de leurs machines:

The American Mutoscope and Biograph Company was another early organization founded for the purpose of promoting motion-pictures machines. The Biograph Company had developed its own peep-show device, called a Mutoscope and shortly after the introduction of the Vitascope projector produced the Biograph projector which was superior to Edison's machines. New film production companies also appeared to compete with Edison in the making of the movies, including Biograph, Essanay, and Vitagraph in the United States. In France Pathé Frères (the Pathé brothers) by 1900 had developped an impressive international system of film production and distribution. Other big companies soon set up production units and offices in the major cities of the world. [4]

Cependant, dans le but d'écraser la concurrence, Edison brevette son invention, question d'être le seul à pouvoir toucher les profits sur l'exploitation de sa machine à projeter des images. Ainsi, lorsqu'Edison ne faisait pas d'argent sur la vente d'une de ses machines pour un compétiteur, il en faisait sur les redevances reliées à son brevet sur l'invention.

Mais réaliser des films aux États-Unis au début du siècle est plus difficile que dans les autres pays. Face au succès mondial du cinéma, Edison a tenté l'aventure et, fort des brevets nationaux pris pour son Kinétoscope, il poursuit en justice tous ses concurrents. Pour continuer librement leurs activités, Pathé et les principaux producteurs américains acceptent donc de verser une redevance à Edison. En 1907, ils forment avec lui un grand trust. [5]

1897 à 1908

Cette période est très difficile à relater. En effet, il y avait tellement de petites compagnies, qu'il est fort difficile de peindre une fresque reflétant de façon caractéristique le vécu et toutes les péripéties de ces dernières. Cependant, il nous est possible d'en faire une histoire généralisée, touchant les plus grosses compagnies, qui ont fait la une à l'époque et dont nous avons encore les traces aujourd'hui.

Pour ce qui est des petites compagnies, elles sont toutes entrées dans une très grande rivalité. Toutes indépendantes, elles tentent de se tailler leur part du marché, tout en devant s'adapter au fait qu'elles doivent faire affaire à la même compagnie de production et de distribution jusqu'en 1904. En 1907, Edison a mangé les plus petites compagnies, mais pas les grosses. Il devra les prendre en considération. En effet, ces dernières n'ont pas copié son Edison Vitagraph, mais ont des engins compatibles. De plus, certaines de ces compagnies pouvaient se permettre des poursuites judiciaires, car même si elles devaient dédommager Edison, la distribution cinématographique leur était tout de même rentable. Parmi ces cas, nous pouvons citer celui de la Biograph [6]. En 1908, Edison opte pour l'option du trust, considérant à l'époque que ce serait la méthode la plus lucrative :

These were firstly the companies that between them held the key patents on equipement - Edison, Biograph, and the Vitagraph Company. With them were conjoined four American film production companies - Essanay, Selig, Lubin and Kalem - and one distributor, George Kleine. The number was made up to ten with the inclusion of two French companies with a long history of exporting film to the United States - Méliès and Pathé. [7]

FONCTIONNEMENT DU TRUST MPPC

À l'origine, le trust est composé des membres mentionnés ci-haut [8]. La principale raison pour laquelle Edison inclut Méliès et Pathé dans son cartel est motivée par le fait que ces deux compagnies s'étaient taillées une très grande part du marché. Ces dernières avaient signé un accord d'exclusivité avec Eastman Kodak. Tous les membres licenciés du trust étaient obligés de faire affaire avec cette compagnie. De plus, si d'autres compagnies utilisaient et achetaient de l'équipement de Eastman Kodak, ces dernières devaient payer plus cher que les membres du trust, en raison du fait qu'elles devaient débourser des royalties au Trust pour l'utilisation de ce matériel.

Eastman Kodak accepta de ne fournir de la pellicule qu'aux membres du MPPC ou aux concessionnaires d'une licence. Le cartel tirait trois types de royalties: les fabricants de matériel devaient lui verser 5 dollars par appareil produit, les exploitants devaient acquitter deux dollars par semaine pour l'utilisation de leurs projecteurs tandis que les producteurs avaient à régler un demi-cent par pied de pellicule. Pour étoffer cette manne, le trust décida d'« agréer » des distributeurs. [9]

Ces compagnies ayant le monopole de la production cinématographique ne louent leurs films qu'au trust. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'Edison a décidé d'accepter Pathé et Méliès dans le trust, ces derniers possédant la plus grande part du marché des importations de films.

Edison réclamait une somme de deux dollars par semaine à chaque membre pour être en règle au sein de ce club sélect. Ces derniers possédaient également des droits exclusifs sur les stocks de films, les caméras et les outils de projection. Quiconque ne faisait pas partie du cartel et voulait bénéficier de ces avantages, devait payer davantage, et surtout obtenir la permission d'Edison.

On s'adonne à une location des films calculée au métrage. Il est certain que cette pratique aura une très grande incidence sur la qualité des films produits. Tout d'abord, beaucoup d'entre eux se ressemblent. De plus, on réalisait énormément de films peu dispendieux à produire, uniponctuels et prenant lieu dans un même décor [10]. Lorsque les exhibiteurs recevaient ces courts-métrages, ils pouvaient s'adonner à un montage dans un ordre qu'eux seuls voulaient bien adopter. À l'époque, il y avait un mythe à l'effet que les spectateurs préféraient les films d'une longueur inférieure à douze minutes. La suite des choses prouvera la fausseté de ce mythe.

Une autre des nombreuses stratégies adoptées par le MPPC d'Edison est le Run-Zone-Clearance-System. Ce système consiste à charger plus cher aux distributeurs des grosses villes, en échange d'une priorité sur la réception et les droits de projection des films.

[It] brought about a significant change in the industry in that it institutionalised a hierarchy among motion picture theatres. This was more than a matter of charging higher rentals to those houses that did better business, since in return or those higher payments chosen cinemas acquired the right to screen films earlier than houses lower down the scale. [11]

En 1908, le cartel crée le National Board of Review. L'une des principales motivations poussant le trust à s'auto-réguler ainsi, trouve une bonne explication dans la société victorienne de l'époque. Très à cheval sur les principes inculqués par la Bible, les Victoriens se démarquent par leur purisme. Le National Board of Review a pour but l'auto-censure et l'auto-régulation du contenu cinématographique des productions du trust. Le MPPC percevait le désir de censure comme une menace à leur libre-entreprise et décident de se censurer eux-mêmes. De cette façon, ils évitaient une censure externe, qui leur aurait certes été fort coûteuse. [12]

De plus, le fonctionnement gouvernemental américain permettait à chaque État de légiférer comme bon lui semblait sur des sujets comme la censure. Ainsi, économiquement parlant, il est beaucoup plus avantageux pour le Movie Pictures Patent Company de s'auto-gérer, question d'économie de gros sous. Cependant, le National Board of Review n'aura pas les reins suffisamment solides car son impact ne se fera pas sentir, et son autorité quelque peu effacée.

Bref, nous pouvons résumer le fonctionnement du Motion Pictures Patent Company sur ces quatres piliers. Tout d'abord, nous avons des produits interchangeables: «Dans un tel contexte, les fournisseurs proposent donc des produits tout à fait similaires entre eux. Les acheteurs ont peu de raisons d'en préférer un plutôt qu'un autre» [13]. Dans un second cas, nous avons la petite taille des vendeurs et des acheteurs par rapport à l'ensemble du marché. En effet,

Tous les vendeurs et les acheteurs doivent avoir une dimension raisonnable par rapport au marché de façon à ne pas influencer le prix des matières premières ni le débit des marchandises produites ou vendues. Ainsi, dans le cas où un fabricant cesserait son activité, il ne devrait pas y avoir de changement sensible ni d'incidence sur la qualité des biens disponibles pour l'acheteur. [14]

En troisième lieu, nous avons une absence de limites artificielles: «Les prix de toutes les ressources ( compris la main-d'oeuvre) doivent être en mesure d'évoluer au gré de l'offre et de la demande. Nulle législation, nul cartel ne saurait établir les tarifs» [15]. Finalement, dans un dernier temps, nous avons la mobilité des ressources. Effectivement,

La norme veut une grande souplesse en ce qui concerne les marchandises, les services et les ressources. Les nouveaux concurrents ne doivent pas se trouver entravés par des barrières. Le plus offrant est censé assurer biens et services. [16]

Le MPPC avait pour base ces quatre piliers. Nous verrons au cours des prochaines lignes comment ces fameux piliers furent renversés, et par la même occasion de quelle façon le Motion Picture Patent Company n'a pas franchi la seconde moitié des années 1910.

RAISONS DE LA CHUTE DU MPPC

Pour mieux parler de la chute du MPPC, nous devons d'abord aborder le sujet en citant des présuppositions ayant cours à l'époque. Tout d'abord, il y avait un mythe populaire à l'effet que les non-licenciés se laisseraient abattre. De plus, Edison et son trust croyaient qu'en s'appropriant les outils de production et de distribution de façon monopolistique, cela aurait pour conséquence d'empêcher les autres compagnies de s'en procurer ailleurs. Finalement, le Cartel ne donnait pas beaucoup d'importance à la qualité, et croyait que cela importait très peu aux spectateurs.

Bien qu'Edison avait pris contrôle de la majorité des ressources, les conditions pour entrer dans le monde de la distribution et de l'exhibition étaient relativement faciles à rencontrer. En effet, l'investissement nécessaire n'est pas gigantesque, et donc relativement accessible à tous [17].

Within six weeks of the Trust starting in business, a rival, the International Projecting and Producing Company, had begun to supply with imported films the unlicensed sector of the industry. Although its service proved inadequate to supply the market, it did help with the shortage of product during the short year of its existence. [18]

Lorsque l'on traite de la chute du Motion Pictures Patent Company, tout comme lorsque l'on traite de beaucoup de sujets au niveau du cinéma des premiers temps, les diverses théories entourant la raison de sa chute divergent d'un auteur à l'autre. Sans totalement adhérer à ces dernières, je crois qu'il est tout de même intéressant de les parcourir, dans le simple but de les connaître, pour ensuite mieux les réfuter.

Dans un premier cas, nous avons John Izod [19] qui donne une très grande importance à certains individus, dont Laemmle. Avec l'arrivé de Laemmle [20] dans le clan des indépendants, on crée le Independant Moving Picture Company regroupant les compagnies cinématographiques indépendantes. Ayant pour fournisseurs les frères Lumières, cette nouvelle association débute ses activités en 1909. Une des principales et plus grandes innovations qu’on lui attribue est la création du Star System:

For as Laemmle, an experienced showman, plainly knew, stardom was already a familiar phenomenon in the commercial theatre. What his experiment proved to him was that the public responded just as favourably to the presentation of stars in the cinema. Yet Patents Company members, despite the evidence that soon accumulated to show that people went in greater numbers to films featuring players whom they admired, were for the most part reluctant to build the stature of actors even by naming them. They did promote some feature players, but not it seems with the zest or showmanship of the independents. The feared, rightly, that players would demand more money when they saw that their names drew bigger audiences - and of course the flat-rate payment for films made this extra cost difficult to absorb. However, the independents quickly found that much increased takings at the box office made the enlarged costs of actors' wages a very profitable investment. [21]

De par ce système, on s'adonne maintenant à une variation des coûts de production des divers films, dépendamment des acteurs et actrices qui y participent. Cela aura définitivement un impact sur la fréquentation des salles par le public. Par la même occasion, on ne vendra désormais plus la pellicule au pied, mais en considération de son contenu.

En 1911, le Movie Pictures Patent Company abandonne son entente exclusive avec Kodak, sous la menace de lois anti-trust de l'administration Wilson [22]. En effet, suite à ces avertissements gouvernementaux, Edison hésite et ensuite cesse de poursuivre les indépendants pour un rien, et bientôt, sa poigne de fer perdra de son ardeur tandis que l'émancipation des indépendants aura tôt fait de débuter.

Au même moment, les Indépendants créent le Motion Picture Distributing and Sales Company. Cette compagnie était en fait un distributeur. Cependant, à la différence du MPPC, cette dernière vend ses produits, mais n'empêche pas ses membres de se procurer des films chez les concurrents [23].

Bref, si les indépendants ont réussi à se tailler une bonne part du marché, cela s'explique par le fait qu'ils sont parvenus à faire chuter les différents piliers à la base du Movie Pictures Patent Company.

[...] en 1921, un petit noyau de firmes dirigé par Famous Players-Lasky avait pris une telle importance qu'il contrôlait pratiquement 50% du marché en produisant des films interprétés par des stars. De cette manière, ces maisons avaient réussi à ériger des barrières de protection et à monopoliser des ressources indispensables: les salles de première exclusivité et les stars. [24]

Par des techniques administratives beaucoup plus souples, les Indépendants réussissent à briser le monopole d'Edison.

[...] l'industrie cinématographique [du groupe des Indépendants] avait élaboré une méthode en trois mouvements pour établir et maintenir son monopole, en différenciant ses produits, en contrôlant la distribution des films au niveau national puis international et en dominant l'exploitation grâce à un petit nombre de salles de première exclusivité aux États-Unis. En opérant des changements aussi bien dans la production, la distribution que l'exploitation, une poignée de sociétés avaient réussi à se forger un monopole bien plus puissant que celui que le MPPC avait pu assurer à ses membres. [25]

En faisant ainsi, ils prouvent que le système monopolistique vertical d'Edison n'était pas si rentable, et que l'industrie cinématographique était devenue trop grosse pour que quelques individus soient suffisamment puissants pour être en mesure d'en contrôler chaque aspect, aussi infime qu'il soit.

LE SECRET DES INDÉPENDANTS

Si l'on résume les techniques adoptées par les Indépendants, on peut résumer le secret de leur succès à quatre principales modifications. Tout d'abord, ils s'adonnent à la production de métrages pluri-ponctuels, ayant des récits plus diversifiés qu'auparavant, et surtout, d'une longueur supérieure à douze minutes.

Ensuite, ils prennent le contrôle de la distribution des films au niveau national et international. Ils instaurent un système où les distributeurs qui font affaire avec eux peuvent choisir leurs produits, et surtout peuvent choisir d'aller consulter d'autres maisons de production. Inutile de mentionner que cette nouvelle variation au système aura tôt fait d'améliorer la qualité des nouveaux longs métrages. Maintenant, le contenu importe davantage car la clientèle est plus avertie, désire quelque chose de mieux, et surtout les distributeurs ont remarqué que la qualité avait son influence sur la fréquentation des salles.

Afin de rentabiliser cette dernière découverte, les Indépendants vont tirer avantage du fait que seulement un petit nombre de salles au pays auront la permission d'exhiber les nouveaux long métrages. De plus, ces mêmes longs métrages que tous s'arrachent ont la particularité d'avoir des Stars populaires comme tête d'affiche, ce qui a pour conséquence l'augmentation de l'attrait pour ces nouveaux produits.

Un autre truc important à ne pas négliger est l'entrée et l'impact de Wall Street dans la production et la distribution de films. En effet, ces investisseurs encourageront et injecteront de l'argent dans les nouvelles productions, mais en tant qu'investisseurs auront maintenant leur mot à dire. En 1913, les premiers circuits de salles de cinéma commencent à remplacer les Nickel Odeons. Ce phénomène a certes eu son impact sur le démantèlement du MPPC en 1915. De plus, ces nouveaux investisseurs auront droit de regard sur les diverses tangentes prises par les films et les lieux de production [26].

Il est très important de mentionner que ces divers changements ne se sont pas faits du jour au lendemain, mais sur une base progressive. Si l'on peut brièvement résumer, nous pouvons dire que le secret des Indépendants fut d'adopter un protocole très structuré, mais d'y avoir été d'une application beaucoup plus souple que le Motion Pictures Patent Company.

LA CRÉATION D'HOLLYWOOD

Vis-à-vis la création d'Hollywood, divers historiens y vont de leur version. Voilà pourquoi au cours des lignes qui suivent nous parcourrons les différentes théories expliquant la fondation d'Hollywood.

Dans les premiers cas, nous assistons à différentes thèses soutenant l'exil des Indépendants en raison des pressions trop grandes de la part des membres du Trust d'Edison. Kevin Brownslow croit à l'exode vers Hollywood pour fuir les détectives privés d'Edison qui s'adonnaient constamment à des descentes [27]. Ce dernier énonce également l'importance de la température californienne, qui est plus agréable, plus chaude, et que son temps d'ensoleillement annuel est beaucoup plus élevé que dans l'est du pays [28]. Une autre des raisons que ce dernier énoncera est l'ambiance que dégage les scènes extérieures - plus relaxe, plus apaisée et beaucoup plus facile à commercialiser [29].

De plus, étant encore en processus de colonisation, l'ouest américain bénéficie de grands espaces très profitables et peu dispendieux à acquérir. Ainsi, les studios peuvent s'installer comme bon leur semble et ne pas se ruiner.

Étant près de la frontière mexicaine, certains historiens prétendent que les Indépendants s'y seraient installés en raison de la facilité d’une fuite potentielle ils devaient quitter le pays en vitesse. La position géographique californienne donne une belle terre d'exil aux gens poursuivis par le clan Edison [30]. Cependant, malgré le fait que la migration vers Hollywood pour cause d'exil est peu probable, il n'en reste pas moins que la possibilité d'une main-d'oeuvre à faible coût, qu'elle soit mexicaine ou américaine, est très intéressante.

Bref, on déménage à Hollywood, peut-être pour s'exiler, mais surtout pour le climat, il fait plus chaud plus longtemps, avec un hiver moins rigoureux, une luminosité quotidienne plus abondante et d'une plus longue durée, et finalement, on y trouve des installations et une main-d'oeuvre toutes deux très peu coûteuses.

Les premiers balbutiements de l'industrie cinématographique hollywoodienne se sont donc faits de façon anarchique, sans véritable structure pré-établie. Voulant contrôler l'ensemble du marché, Edison fait breveter son invention et fait payer quiconque s'en sert, à coups de redevances ou de procès. Il formera le MPPC et le dirigera à l'aide de normes très strictes et sera peu enclin à une malléabilité de ces dernières. Au nombre de ces normes, nous pouvons mentionner un système de production et de distribution vertical, où l'on diffuse des produits interchangeables, de courtes durée et de faible qualité.

Cependant, la trop grande rigidité des normes du trust déplaît à quelques membres et ces derniers quittent pour partir un second mouvement, celui des Indépendants. À l'aide de méthodes plus souples, comme le Star System, un système de priorité de distribution, des films plus longs, plus beaux et une possibilité du distributeur et de l'exhibiteur de choisir les produits qu'ils veulent diffuser, les Indépendants recruteront de plus en plus de membres dans leur camp.

Bref, les Indépendants ont remporté la partie de par leur capacité à mieux s'adapter aux nouvelles conditions socio-économiques. Certes, l'histoire de l'institutionnalisation du cinéma américain ne s'arrête pas là, mais nous avons ici les bases des premiers balbutiements de l'industrie hollywoodienne telle que nous la connaissons aujourd’hui.

 

1 - Robert C. Allen et Douglas Gomery, Faire l'histoire du cinéma, Les modèles américains, p. 170.

2 - Frank E. Beaver, On film, A History of the Motion Pictures, p. 13.

3 - Ibid., p. 19.

4 - Ibid., p. 22.

5 - Philipe Raiyer, Initiation au cinéma, p. 86.

6 - John Izod, Hollywood and the Box Office 1895-1986, p. 14-15.

7 - Ibid., p. 16.

8 - Edison, Biograph, Vitapraph pour l'équipement, Essanay, Kalem, Selig, Pathé et Méliès pour la production et George Kleine pour la distribution.

9 - Allen, Robert C., Douglas, Gomery, Faire l'histoire..., p. 171.

10 - John Izod, Hollywood..., p. 17.

11 - Ibid., p. 19.

12 - Ibid., p. 22.

13 - Allen, Robert C., Douglas, Gomery, Faire l'histoire..., p. 168.

14 - Ibid., p. 168.

15 - Ibid., p. 169.

16 - Ibid., p. 169.

17 - Izod, John, Hollywood and the..., p. 26.

18 - Ibid., p. 26.

19 - Ce dernier nous a offert Hollywood and the Box Office.

20 - Laemmle était un ex-membre du MPPC qui avait quitté le Cartel en raison du fait qu'il avait des idées divergentes de celles des dirigeants du Trust. Il fut très important de par son rôle dans l'implantation du Star System.

21 - Izod, John, Hollywood and the..., p. 28.

22 - Président des États-Unis à l'époque.

23 - Izod, John, Hollywood and the..., p. 29.

24 - Allen, Robert C., Douglas, Gomery, Faire l'histoire..., p. 172.

25 - Ibid., p. 172.

26 - Philippe Rauyer, Initiation..., p. 88-89.

27 - Bien qu'il prétende à l'exil pour la survie des Indépendants, Brownslow ne nous donne aucune référence véritable qui aurait pu valider cette théorie. Cependant, pour ce qui est des autres motifs, il semble beaucoup plus crédible et documenté.

28 - Kevin Brownnslow, Hollywood, The Pioneers, p. 90.

29 - Exercice de marketing réussi, notre vision actuelle de la Californie étant une bonne preuve du succès de cette commercialisation.

30 - Veuillez noter que cette théorie de la proximité mexicaine pour l'exil n'est pas très solide car avant même la migration des indépendants à Hollywood, certains membres du trust y avaient déjà installé des studios pour y filmer. De plus, bien que la frontière mexicaine soit relativement près, il faut tout de même compter cinq heures de voiture pour y parvenir.

 

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