Le fantastique Québécois

Cette année, Fantasia a eu la merveilleuse idée de regrouper quelques productions locales le temps d'une projection. Plus prêt de la comédie (décidémment, au Québec on y échappe pas) que du fantastique ou de la SF pure, les quatre films présentés marient agréablement l'absurde à un esthétique bon marché tout à fait charmant.

Romance et laser de Carnior

Le collectif « Alliage » de Québec impressionne par la qualité et l'humour de leurs productions. Plus inspiré par la bd que par le cinéma, le groupe explore depuis quelques années la vidéo avec verve et talent. Réalisé pour la modique somme de 500 $, Romance et laser de Carnior exploite au maximum son sujet absurde. Lors du 20e anniversaire de sa copine, Roman apprend avec stupeur qu'elle est une extra-terrestre. Venue sur terre pour étudier le comportement humain, elle doit maintenant retourner sur sa planète afin de préparer une invasion interstellaire. Début caustique, répliques justes, Carnior impose un style qui emprunte autant au film bavard français qu'à la SF ringarde américaine. Le film s'essouffle quelque peu en misant un peut trop sur l'action. Saluons tout de même le réel talent de Carnior qui, en plus d'avoir écrit et réalisé Romance et laser, interprète avec brio le rôle principal.

L'instinct grêle de Patrick Boivin

Plus maîtrisé que Romance et laser, cette autre production signée « Alliage » est une véritable réussite, tant au niveau du scénario, de la photographie que de la prestation de Carnior. Cette histoire usée de crash d'astronef sur une planète hostile est bourrée d'humour. Le pilote du vaisseau se retrouve coincé sur cette planète avec un robot dès plus zèlé et le cadavre du co-pilote. Sans nourriture, le pilote tentera, sous la surveillance accrue du robot, de consommer le co-pilote. Un sujet simple, deux personnages, une pleine maîtrise par un « Psycho Pat » en grande forme. À surveiller la performance de Carnior qui entre deux jurons (un câlice par ci, un ciboire par là) démontre une présence comique indéniable.

Il ne faut pas être devin pour reconnaître le talent qui anime la joyeuse bande d'Alliage. Malgré un intérêt marqué par le réseau de Télévision Quatre saisons, il semblerait que l'entente de diffusion n'est pas eu lieu. Navrant, TQS préfère sans doute miser sur des valeurs sûres telles que les « humoristes » Dominic et Martin ou les « brillantisimes » Mecs Comiques, qui avec leurs blagues de tapettes nous font piser dans nos cullotes à chaque fois…

Star Geeks de Marc A Samson

Installé depuis quelques années à Los Angeles, Marc Samson s'est illustré en tant que « digital artist » (dixit le communiqué de presse) sur des films tels que « Mouse hunt », « Soldier » et « Speed 2 ». De grands films… Son talent de technicien traverse « Star Geeks » : quelques effets digitaux (un screamer traversant le ciel de LA, etc.) sont plutôt réussis pour une production de ce calibre. Samson a aussi beaucoup d'humour, il le démontre avec ce sujet un peu casse-gueule mettant en vedette Chris et Harry, deux geeks de la pire espèce qui vouent un véritable culte à Star Wars. Harry remporte une paire de billets pour l'avant-première de Star Wars : Épisode 1. S'ensuit un véritable chemin de croix où nos deux héros devront se mesurer à de vilains Trekkies…

Le phénomène Star Geeks est intéressant dans le mesure où il à véritablement pris forme sur Internet. Deuxième film le plus téléchargé* de toute l'histoire du site Atomfilms (la mecque du court sur le web), Star Geeks est une production qui surfe sur le culte le plus populaire de l'histoire du cinéma. Le sujet est limité, le tout fait plus sourire que rire et s'adresse à un public averti qui partage la passion Star Wars mais le projet mérite toutefois l'attention plus pour ce qu'il annonce que ce qu'il propose.

L'invasion silencieuse de Éric Lavoie

Clou de la soirée, cette invasion silencieuse s'est avéré plutôt assomante. Belle photographie, beaux cadres et bonnes intentions, le film d'Éric Lavoie perd toutefois son sujet au profit de ses hommages au cinéma bis. De Santo en passant par Plan 9 from out of space ou Night of living dead, Lavoie cite allégrement sans grande imagination. Un film symbiose qui reflète admirablement le festival Fantasia avec ce ramassis de n'importe quoi à la gloire du « cool » et de l'ordure.

Pour les choix esthétiques et la forme, on pense à La liberté du statue du québécois Olivier Asselin, un film « hommage » et fauché beaucoup plus intéressant que L'invasion silencieuse. Historien d'art, Olivier Asselin possède un « background » culturel plus intéressant et un discours plus profond que Lavoie.

Grande déception toutefois, la production québécoise que tout bon Fantasiaman désirait voir n'a pas été présentée. Je parle évidemment du « Subconscious Cruelty » de Karim Hussain, ce long métrage (ou est-ce un court, un moyen, un téléfilm?) maudit qui traîne depuis 3 ans (ou est-ce 4,5,6?) sur la table de montage. Ici chez Artifice, nous mouillons pour ce film étrange à la limite du subconscient et de la cruauté. Quiconque pourra nous en apprendre plus sur ce projet fascinant se méritera un souper** en tête-à-tête avec le mignon Karim.

* Téléchargé ne veut pas dire regardé. Nuance, il est difficile de connaître le nombre de spectateurs d'un film présenté sur le Web. Surtout lorsque le film est gratuit.

** Un rabais de 15 $ dans le « join't » grec de votre choix.

L'abominable Mitch des neiges