Island of the Dead

un texte scratch & sniff pour un film odorant - allez-y, grattez...

avertissement : n’ayant ni temps ni argent en trop, je ne me suis pas présenté à Fantasia pour voir la première mondiale du film - en fait, l’objet de ce texte est moins le film en tant que tel que ce que le programme de Fantasia m’a appris (ou pas) à son sujet. La lecture du texte a à peu près le même intérêt que le visionnement du film.

La soirée commence...

Première mondiale oblige, nous avons tout d’abord droit à une superbe présentation avec tambours et trompettes, mais tout d’abord un mec va placer un micro au centre de la scène. C'est en fait le highlight du festival. On dirait une blague, mais non - le mec s'appelle Daniel et il est triste. Les festivaliers en ont fait une espèce de tête de Turc. On l'applaudit, on lui crie des trucs. On s'amuse comme seule une bande de tarés peut s'amuser.
Mitch Davis s'amène au micro. Sa ritournelle habituelle : "There's gonna be blood, there's gonna be sperm, there's gonna be piss, there's gonna be vomit...". Et si ce n'est pas ça, c'est de la même valeur scatophile et branchée.
Et tout le monde est impressionné - et moi je me demande silencieusement pourquoi on ne l'enferme pas ce gros singe.
Bien entendu, son fidèle partenaire Karim le suit à l'avant. Son costume de mouche démoniaque est utile à mettre l'assistance dans le ton du chef-d'oeuvre qu'elle s'apprête à ingurgiter. En fait, il n'est pas déguisé du tout, il ne fait que tirer la langue et gesticuler. Plutôt ressemblant.
[ingurgiter: avaler rapidement et souvent en grande quantité] - il n'y a pas vraiment de mot plus approprié pour ce festival du fast-food cinématographique. Et si vous vous en tirez sans diarrhée, vous gagnez un DVD.

Davis sort de sa manche le clou de l'édition 2000 : Malcolm McDowell, qui nous fait l'honneur de sa présence. Un peu décoiffé, l'acteur sourit en pensant au grand intérêt de sa carrière depuis quelques années, puis s'approche du micro pour nous promettre qu'il s'agit là de son plus grand rôle depuis qu'il a machinalement campé Merlin dans Kids of the Round Table. Il ajoute être très très très heureux d'être à Fantasia et joue faux. Petit Karim s'évertue à monter la jambe du grand Malcolm.
On éteint. Je jette un dernier coup d'oeil anxieux à mon voisin de droite, un geek assez inquiétant. Sur ma gauche il y a exactement le même. Je suis déjà terrifié.

Le film commence...

Ça se passe à New York, y a de la violence ["Ouuaais! les gars, y a d'la violence!"] et on enterre les gens sur une île. Y a une inspecteure de police qui ne sera même pas attachée et torturée (ce qui est une bonne chose car viols et femmes suppliciées sont synonymes de succès à Fantasia et les files d'attente deviennent alors encore plus ennuyantes que le spectacle) qui se voit confier une enquête dont tout le monde se fout. Ce qu'on veut voir, à défaut de policières dénudées et violentées, ce sont des mouches démoniaques. Fantasia est un fléau, autant pour le bon goût que pour la cinéphilie.
Suivent quelques péripéties estomaquantes, tel un entrepeneur véreux - le sublime McDowell, qu'on applaudit - qui s'avère être véreux [oh non m'sieur-dame qu'il n'a pas que de bonnes intentions pour les sans-abris qu'il prétend vouloir aider! (sans savoir pourquoi, le titre L'école de ski s'envoie en l'air me revient en tête)]. Ah! Ces entrepreneurs véreux, ils nous en auront fait voir de grands films...

Sentant que son public lui glisse entre les doigts, le cinéaste (Tim quelque-chose, lui aussi présent pour la représentation, mais bon...) s'empresse de relâcher les mouches démoniaques. Et bzzz bzzz les cadavres s'accumulent. On sent un regain de vie dans la salle. Je sors mon push-push, le désinsectisant à odeur de citron.

Suit un documentaire sur la mouche dans lequel on apprend que la bestiole est l'amie du festivalier et un tas d'autres informations pertinentes (on sait déjà que la mouche à merde se tient en groupe et se qualifie de psychotronique - un mot signifiant "d'imbécilité justifiée"). Voix du narrateur (un computer slave finalement plus convaincant que McDowell):

"Des chercheurs ont identifié une mutation génétique chez la mouche drosophile, qui semble provoquer un trouble neurodégénératif similaire à l'adrénoleucodystrophie observée chez l'homme. Lorsque ces mouches mutantes, nommées "bubblegum", sont traitées très tôt avant le stade adulte par l'Huile de Lorenzo, la neurodégénérescence ne survient pas. Elles constituent un modèle précieux pour étudier la neurodégénérescence dans l'adrénoleucodystrophie et pour chercher de nouveaux médicaments."

Finalement rien de très intéressant...

Bien que l'on apprenne beaucoup de choses sur la mouche démoniaque, le film s'avère un peu décevant (même s'il demeure un fin croisement entre Lord of the Flies et L'académie Ninja). On l'a titré en espérant que deux ou trois badauds le méprennent pour un film de Romero, question que ce made for TV movie fasse quelques sous sur le marché de la vidéo...

Comme le festival dans lequel il prend naissance, le film mise sur la quantité au dépend de la qualité. Ainsi, on verra des mouches attaquer par dizaines de dizaines, ce qui a coulé la totalité du budget du film. Les gros plans des insectes sont donc faits sur des grenouilles en papier mâché, un vieux truc du métier passant étonnamment bien avec l'utilisation calculée d'absence d'éclairage. Trop de costumes, pas assez de sang, Fantasia m'a encore déçu. There's gonna be blood, there's gonna be sperm, there's gonna be piss, there's gonna be vomit...
C'est finalement la ritournelle de Davis qui résume le mieux le contenu de ce festival - et on se la répète inlassablement chaque année. Continuez à y aller, ça finira par vous rendre intelligents.


Sébastian Sipat

 

* Pour ceux qui n'auraient pas compris le principe du scratch & sniff, il suffit de surligner certaines parties noires du texte