PIECES

Espagne. 1981. Réalisé par Juan Piquer Simón. Écrit par Dick Randall et Joe d'Amato (sous l'un de ses 45 pseudonymes). Musique composée par Librado Pastor. Montage effectué par Antonio Gimeno. Directeur de la photo. : Juan Mariné. Produit par Dick Randall, Stephen Minasian et Edward L. Montoro. Avec Christopher George, Lynda Day George, Frank Braña, Edmund Purdom et Ian Sera.-

Boston, état du Massachusetts. Un gamin s'amuse à construire un casse-tête représentant, une fois formé, le corps nu d'une femme à poil. Sa mère, ivre de colère et qui semble par ailleurs, un peu éméchée (doublage ? conviction artistique ? dénonciation du père absent ?) par l'alcool, le surprend. En moins de deux, elle tire par le bras son fils qui lui, ne comprenant rien à la situation va en toute hâte dégoter une grosse hache toute neuve qui traînait quelque part dans la maison comme ça afin de décorer les murs (c'est qu'elle n'a même pas servi à bûcher le bois tellement elle est toute reluisante la malheureuse - le thème de l'enfance tragique s'avère donc non négligeable) et remonte tout vite les escaliers et là, (une virgule!) avec toute l'énergie d'un Dimitri Rougeul en puberté, assène à la maman une bonne dizaine de coups de hache ensanglantant la lame et les murs et le planchers et les rideaux et la porte et le chandail du petit Dimitri en puissance qui ensanglante aussi sa maman et il coupe sa tête et là tout le sang dégorge tout partout tout partout tout partout et là, le petit garçon entend frapper à la porte alors il va à toute vitesse se cacher dans le garde-robe (qui était reluisant de propreté jusqu'à ce qu'il ne colle son affreux pull ensanglanté sur les corsages, cotillons et jupes de sa maman nouvellement décapitée). À la porte on s'inquiète que personne n'ait répondu après trois tocs (toc toc toc !!!) et donc on va vite avertir quelques agents de police qui eux, fracassent la porte, gravissent dans la précipitation les marches d'escalier pour découvrir avec effroi (dans l'affolement, un agent se retourne afin de vomir son petit déjeuner et de nous transmettre toute l'étendue des ravages que peuvent engendrer des fèves germées au matin levant) les dégâts qu'a provoqués la boucherie sur tous les murs de la pièce, il ne manquerait plus qu'une petite trempette au curry et on nagerait en pleine montagne du Dieu-Cannibale. Avec crainte, les deux policiers (le faiblard s'étant remis de ses émotions et s'étant essuyé les traces de vomi avec sa main gauche puis léché goulûment dans l'indiscutable but de nettoyer ces vilaines traces de régurgitation) ouvrent la porte de la garde-robe et trouvent là le petit garçon tout triste qui pleure et qui essuie ses larmes pour vite se lancer dans les bras de la dame venue frapper à la porte voilà 1 minute et qui raconte avec une voix propre à faire expectorer (voilà peut-être ce qui fut de trop pour notre ami policier) qu'elle connaît la sœur de la défunte. FIN DU PROLOGUE.

35 années suivent... Le lieutenant Bracken se voit chargé d'une enquête qui ne sera pas de tout repos [à cet effet, jamais nous ne le verrons dormir tout au long du métrage, de même, nous ne le verrons pas non plus déféquer - notons aussi l'absence de toute envie sexuelle (aucun gros plan de masturbation ni de frottement sur les cuisses d'une jeune étudiante)] : il doit mettre le grappin (et s'efforcer de mettre la main au cul de la jolie secrétaire à lunettes et aux cheveux blonds et aux dents plus blanches que noires) sur le tueur (un sadique) à tronçonneuse (je vous avais dit qu'il était sadique) qui sévit sur le campus universitaire. Son but : créer une race d'hommes-poissons à partir de la peau de ses victimes ! Ah... Ah non, ça on me dit que je mélange... Ah... Ah donc, son but : CONSTRUIRE UN GIGANTESQUE CASSE-TÊTE TRIDIMENSIONNEL À PARTIR DE DIFFÉRENTES SEGMENTS DU CORPS FÉMININ... Objectif certes noble mais incroyablement compliqué, un vrai casse-tête (!!!!) de logistique. Alors, quelle est l'identité du tueur ? Est-ce le professeur Henry Brown ? Le Docteur Jennings ? Brutus le jardinier, l'ennemi ancestral de Popeye le Marin ? Serait-ce l'un des nombreux jeunes universitaires ? Impossible, car à quoi aurait servi la prodigieuse introduction ? La mission est donc de déterminer qui est ce sadique avant que le lieutenant Bracken ne lui pulvérise l'estomac non pas à l'aide de All Brans, mais bien avec son gros pétard (c'est bourré d'allusions vénériennes ici). On achève le tout par la main d'un cadavre qui s'accroche avec ardeur aux schnolles du jeune étudiant qui se voit puni de ses nombreuses faufilées vaginales. FIN

Alors qu'au début des années 1960 sortait sur les écrans du Monde Libre une petite œuvre (réalisée par un vieux croûton répondant au curieux nom d'Alfred Hitchcock) d'apparence très calquée sur le tout-puissant HOMICIDAL de William Castle (à la seule différence que celui-ci n'allait sortir qu'en 1961 - pressions trop énormes du vieux dégarni de la boule sur la Colombia Pictures pour les empêcher de distribuer leur film avant le sien ?)... Quelques vingt années s'écoulèrent, nous sommes encore dans le Monde Libre, avant qu'un cinéaste (Piquer Simón est son nom tel qu'indiqué dans la fiche technique du tout début) n'ose apporter une riposte au film d'Hitchcock, de la même manière que Tarkovski l'avait fait envers Kubrick ou, encore, Bettina Hirsch par rapport à Stephen Herek pour le duel MUNCHIES/CRITTERS. Mais laissons de côté la petite anecdote pour nous concentrer pleinement sur l'appréciation critique qui s'en vient à toute allure. Dès le début de la cassette, il est clair que nous ne sommes pas face à quelque chose de traditionnel : « ILS COURENT LE MARATHON, ILS SONT GRANDS, ILS SONT BEAUX ! À TOUTE ALLURE ILS PARCOURENT LES DIGI-COURSES DU MONDE ENTIER AFIN DE LES SAUTER TOUTES ! CE SONT LES MOTOSHIP !!! ». De fait, la surprise est de taille et fait trembler celui qui vient de louer la cassette. S'est-il trompé dans ses choix ? ERREUR ! Car suite à cette entrée en matière pour le moins surprenante, Interpol nous communique un petit message (depuis, l'effet de surprise est complètement disparu et pue la rengaine) et par la suite, les images effroyables de PIECES sautent aux yeux (premier commentaire critique), elles sont, en effet, effrayantes. Musique gutturale composée à partir de synthétiseurs de la belle époque, décors surréalistes et cubiques (notez la construction très « 4 murs » des différents domiciles cinématographiés par l'appareil cinématographique) afin de rendre hommage au peintre Pablo Picasso (n'oublions pas que Piquer Simón connaît ses compatriotes car, lui-même, est ESPAGNOL! OUI !) Tout cela s'avère considérablement important quant à l'appréciation que se doit de porter le critique (et pourquoi pas, le critique en herbe que fait tout bon collégien mormon) sur le sens même de l'oeuvre... Mais laissons cela à quelqu'un de plus cultivé que moi et laissons-moi terminer en paix mon travail de jugement filmique.

Donc, oui, les décors sont beaux, les seins des différentes comédiennes sont assez gros pour supporter le poids de pareil genre de production et les différentes allusions psychanalytiques sont tout à fait intriguantes. La tronçonneuse, véritable symbole phallique, est souvent montrée à la hauteur même du pénis masculin afin de massacrer le corps de la femme. Pensons ici aux rapports hommes/femmes et nous avons une bonne idée de la force du regard critique que porte l'ibérique Simón face à notre société occidentale en pleine caducité. Pareillement, les différents dialogues établissent bien le nihilisme nietzschéen qui règne sur le Monde Libre («...the most beautiful thing in the world is smoking pot and fucking on a waterbed at the same time! ». Comme quoi, ensemencer son potager de marguerites n'a plus aucune importance à notre époque de décadence... mais où s'en va donc notre monde ? Pas dans le même sens que ma critique en tout cas) et tout cela s'avère d'une justesse de ton surprenante. Voilà peut-être le seul défaut : le film est trop parfait, il sonne trop juste ! Ce n'est pas du cinéma ! C'est la réalité ! Une réalité vue à travers les yeux d'un autre homme certes mais tout cela nous plonge directement dans une réflexion sur la réalité du vrai, sur la philosophie platonicienne et tout cela s'avère trop compliqué et mélangeant pour poursuivre sur ce chemin. Changeons donc de chemin ! Or voilà, c'est tout le temps qui me restait ou presque ! Alors, rapidement, mentionnons le jeu exemplaire des acteurs de soutien, tous des non-professionnels et cela paraît beaucoup; cette facture très artisanale, très dans l'ère du post-franquisme, apportant beaucoup au résultat final. Mentionnons aussi une scène de kung-fu très impressionnante et aussi... Une piscine joliment éclairée par un éclairagiste anonyme de talent.. Tout cela contribue au rayonnement artistique de l'Espagne dans le cinéma. Bravo ! On attend la suite ! On attend la trilogie au vol !


Cote Médiafilm : 1

Valeurs morales : Oui, il y en a beaucoup.


(1) PIECES Esp. 1981. Film à suspenses de J. Piquer Simón avec Christopher George, Lynda Day George et Frank Braña.- Sur un campus d'université, les forces de l'ordre se mettent de la partie pour contrer les assassinats d'un directeur d'école qui ne mentionne pas qu'il est le véritable meurtrier.- Œuvre super audacieuse pour l'époque. Nombreuses espagnolettes douloureuses. Leitmotiv composé à l'aide de notes musicales. Épisodes terrifiants, épouvantables, terrorisants, apeurants, sinistres, inquiétants mais constamment facétieux. Interprétation forte de C. George dans un rôle pas tout à fait de composition.-


Philippe Mathieu
janvier 2003 - Québec