Dans ce qui est déjà indéniablement une des traditions les plus honorable de la grande humanité, nous voici tous réunis pour semer la joie dans les coeurs. Et c'est bien connu, Artifice se jette au front sans relâche pour défendre la tradition. Le voici déjà qui frappe à nos écrans cathodiques, justifiant à lui seul nos existences évasives et sans repères, l'esprit dont s'abreuvent tous les rédempteurs de par le monde. Notre sauveur se ramène une fois de plus pour éclairer votre chemin. Finies les incertitudes, oubliées les souffrances, abjurés les écarts de conduites, voici venu enfin le temps de l'opulence et de l'enivrement. Oui, il serait bien triste, le monde, sans la couverture artificienne annuelle du Festival international nouveau Cinéma nouveaux Médias de Montréal. Bien triste.

Mais cette épiphanie païenne relève en fait du pur sacrilège. Comment de si odieux personnages, suite à leur rejet sulfureux des méthodes de la critique cinématographique établie, à leurs aboiements indécents face au laxisme de cette même critique, aux coulées de bave poisseuses dont ils ont englué ses plus indignes représentants, peuvent-ils s'abaisser à cette ignominie complaisante qui consiste à couvrir un festival de cinéma ? Date de tombée oppressante, endiguant le protocole analytique intraitable et éprouvé d'Artifice (qui aura d'ailleurs fait fuir tous les candidats masculins s'étant présentés aux auditions organisées à l'occasion de cette couverture), reléguant tout effort le mieux intentionné à s'enliser dans la publicité pour films à l'affiche déguisée en texte critique. Pourquoi avoir longuement répandu le fluide de la connaissance s'il suffit ensuite de se parjurer ainsi sans vergogne ? Pour les mêmes raisons que Céline, un des grands écrivains du siècle dernier, était d'allégeance nazi. Et aussi parce que Sartre a nié l'invasion sanglante de Budapest par le parti communiste. Bref, se lester délibérément d'une rigueur péniblement acquise au nom d'une cause, que ce soit écrire comme un dieu, travailler à l'émancipation des prolétaires, ou voir les derniers films avant la masse. Après tout, ce sont leurs exactions qui rendent les grands hommes si sympathiques.


Carl Therrien
Décembre 2002 - Montréal

Artifice remercie Adrian Gonzalez et le FCMM de nous laisser gentiment nous user les yeux chez eux.